Considéré par les forces de défense et de sécurité camerounaises comme un élément clé du dispositif militaire sécessionniste et pris en chasse à ce titre, d’une part, traqué d’autre part pour «traitrise» par une faction séparatiste, et finalement honni par sa famille qui l’accuse d’avoir emporté l’argent de la rançon de son cousin Tekeh Betrand, Tibab Claude Ngoh (plus connu dans les milieux anglophones sous son sobriquet de «Rachman») est introuvable.
Des sources généralement crédibles dans les deux régions anglophones du Cameroun où s’affrontent régulièrement milices séparatistes dites «ambazoniennes» et forces de défense et de sécurité (Fds), les populations des villages qui sont au cœur du conflit n’ont pas le choix. Elles passent pour être «proambazoniennes» lorsqu’elles sont visitées par les groupes armées ambazoniens, et deviennent «loyales» à la République quand les militaires sont leurs hôtes. Si l’on ne joue pas à ce jeu dangereux, les ambazoniens vous martyrisent, vous pillent à défaut de vous tuer, de même que les militaires ne vous feront pas de cadeau. Par ailleurs les enlèvements des parents dans les villages suivis de demandes de rançon à la famille en ville sont devenues monnaie courante.
C’est ainsi que pour faire plaisir à un détachement de gendarmes en patrouille dans leur village, et éviter quelques représailles, les populations du village Njiyen (arrondissement de Batibo) ont remis aux gendarmes une carte nationale d’identité ramassée après le passage dans leur village quelques heures plus tôt d’un groupe armée séparatiste parmi lesquels, avions-nous appris, on pouvait identifier de nombreux prisonniers.
L’exploitation de cette pièce d’identité va permettre de retrouver à Bamenda, les parents de son propriétaire, un certain Tibab Claude Ngoh alias «Rachman», fiché et recherché comme un élément séparatiste dangereux. Espérant pouvoir en savoir plus sur le sort de leur fils, les parents seront plutôt harcelés de questions pour expliquer les affinités de leur garçon avec les groupes armés séparatistes dans le Nord-ouest. Et toutes les explications des parents vont renforcer la conviction des enquêteurs que le nommé Tibab Claude Ngoh n’est pas un citoyen ordinaire, et que la traque de cet individu doit se poursuivre.
La version des parents est que Tekeh Betrand, le cousin de Claude Tibab, avait été pris en otage dans un village de l’arrondissement de Mbenwi, et ses ravisseurs demandaient cinq millions Fcfa pour sa libération. La famille a réussi à réunir la somme demandée. Tibab C. Ngoh a été désigné unanimement pour aller remettre la somme exigée. Mais depuis son départ, l’on a plus eu de ses nouvelles. Et les ravisseurs ont attendu la personne qui devait apporter leur argent en vain. Aux dernières nouvelles, ils menaçaient de retrouver le nommé Tibab C. Ngoh et de le décapiter à la machette, après avoir fini avec son frère Betrand.
Pour les enquêteurs, cette thèse ne tient pas la route, car le village où la CNI du jeune homme avait été retrouvée n’est pas sur la trajectoire de celui où son cousin était supposé être détenu. En clair Claude Tibab ne partait pas verser la rançon, de Tekeh Betrand. Il aurait plutôt opté de sauver sa propre tête, parce que potentiellement en danger lui aussi en cas de contact avec les sécessionnistes qui cherchaient à le tuer pour une présumée «collaboration avec les forces ennemies». En d’autres termes, les cinq millions de la rançon lui auraient simplement servi de moyens pour se sauver.
En effet, ce n’est pas dans le village où serait détenu son cousin Tekeh Betrand que la carte d’identité de Claude a été trouvée. En fait les villages concernés sont dans deux unités administratives différentes. Et depuis, l’hypothèse que Tibab ait décidé de faire main basse sur les cinq millions et de disparaitre, mais ait été stoppé dans sa fuite, par une faction armée des combattants sécessionnistes qui l’aurait probablement trucidé, est celle envisagée par les enquêteurs.
Des sources proches des enquêteurs, il est avéré que le nommé Tibab serait en réalité, un ambazonien très actif connu de leurs services sous le pseudo de ’‘Rachman’’. Les ravisseurs de son cousin seraient ses anciens compagnons qui l’accusent d’avoir indiqué la position de leur camp aux gendarmes qui l’ont détruit il y a quelques mois. Ayant compris que l’enlèvement de son cousin et la demande d’une grosse rançon n’étaient que représailles, il a cherché le salut dans la fuite avec le pactole familial, laissant son cousin Tekeh qui lui-même est suspecté d’«activités dangereuses», à son triste sort. Malheureusement pour ‘‘Rachman’’, semble-t-il, il n’ira pas bien loin.