Niger: L’interdiction de l’exportation de bétail passe mal

0
15

Les militaires ont interdit l’exportation du bétail à quelques semaines de la fête du mouton. Une décision qui vise à privilégier l’approvisionnement national.

Avec la fête de la Tabaski qui approche dans moins d’un mois, le grand marché de bétail de Turaku à Niamey au Niger bat déjà son plein. Des milliers de têtes de bétail, particulièrement de moutons et de veaux très prisés par les musulmans pour le sacrifice pendant la grande fête, sont en vente. Grand, gros, petit… les clients n’ont que l’embarras du choix.

Mais du côté des revendeurs, particulièrement ceux qui exportent le bétail, c’est la désolation. La décision des autorités d’interdire l’exportation des ovins, des caprins, des bovins et des camelins passe mal ici.

Mahamadou Ali, exportateur au grand marché de bétail de Niamey explique que « cette décision n’est pas une bonne idée et je ne sais pas comment faire. J’ai mis mon argent et j’ai déjà acheté 71 têtes. Je les exporte au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Ghana ou à Lomé, ici à côté ».

« Maintenant, on apprend que l’Etat a interdit de faire sortir les animaux. Ceux que j’ai achetés, voilà quatre jours qu’ils mangent mon argent, puisqu’on doit leur acheter à manger. En quatre jours, j’ai déjà perdu plus de deux cent mille francs, déplore Mahamadou Ali. Durant les trois semaines qui restent, combien je vais perdre. Vraiment, je ne te cache rien : si cette affaire continue comme ça, beaucoup de gens iront en prison. »

Des pertes financières pour les éleveurs

Pour Malam Yaou Ibrahim, revendeur de bétail à Zinder dans la partie sud-est du pays, la décision d’interdire l’exportation de bétail va surtout pénaliser ceux qui ont des gros animaux.

« Il y a ceux qui élèvent des gros veaux.  Même le jeudi passé, on a vendu un veau à un million cent mille francs sur ce marché. Un bœuf qui a coûté ce prix, personne ne peut l’acheter ici à Zinder pour le sacrifice. On ne peut que l’exporter à Lagos, en Côte d’Ivoire ou à Lomé pour le vendre. Avec l’interdiction de faire sortir le bétail, beaucoup d’éleveurs vont subir des pertes et seront dans une situation délicate. » 

Du côté des clients, la décision du gouvernement d’interdire l’exportation de bétail est plutôt bien accueillie.  Selon Hachimou Mouhamadou, habitant de la région de Tahoua dans le centre-nord du pays, cette décision n’est pas une première.

« Beaucoup de gens sont de mauvaise foi et ne sont pas justes avec eux-mêmes. Puisque l’interdiction d’exporter le bétail n’est pas un fait nouveau au Niger », rappelle cet habitant de Tahoua.

« Par le passé, il y avait eu des décisions similaires. Les jeunes sont sous-informés, raison pour laquelle ils se plaignent. Aussi, si on doit laisser l’exportation de notre bétail à tort et à travers, un jour le citoyen nigérien risque de ne pas pouvoir faire, un jour, le sacrifice de la fête de l’Aïd el-Kébir. » 

Selon les statistiques de la Banque mondiale, le Niger a exporté en 2022 environ 4 500 bovins, 7 000 ovins et plus de 1 000 caprins, principalement vers le Nigeria. Ces exportations représentent environ 4 % des recettes extérieures du pays, soit près de quatre milliards de francs CFA, sans tenir compte du marché informel.

DW.com