Le divorce de la Grande-Bretagne, marquée par la victoire du Brexit au référendum du 23 juin, ouvre une page d’incertitude dans l’histoire de l’Union européenne. Elle remet en question la méthode de sa construction dans une Europe où les partis populistes gagnent, sans cesse, du terrain.
Au départ, ils étaient 28, mais aujourd’hui, ils ne sont plus que 27 pays membres de l’Union européenne (Ue) depuis le 24 juin, au lendemain du référendum en Grande Bretagne. Le résultat de cette consultation n’a laissé aucune place au doute. Entre « Remain a member of the European (Rester membre de l’Union européenne) » ou « Leave the European Union (quitter l’Union européenne)», les électeurs anglais ont majoritairement (51,9%) choisi de partir de l’Union. Un choix inédit. Jamais un pays n’a quitté la barque comme l’a fait la grande Bretagne qui l’avait rejointe en 1973.
La réaction la plus spectaculaire suscitée par le Brexit (sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne) a été observée sur les places boursières, et la secousse sur les marchés européens a été violente le 24 juin. A l’ouverture, « le Cac 40 à Paris perd 5 % ; le Ftse à Londres comme le Dax à Francfort baissent de 10 %, entraînés par la chute des indices bancaires qui frôlent 30 % ». Les banques, soutient-on, avaient majoritairement parié sur la victoire du non au Brexit. Hors des frontières de l’Europe, l’indice Nikkei termine à 7,92 %. Il opère ainsi une dégringolade jamais observée depuis la crise financière de 2008.
Chez les dirigeants européens, l’émoi était total. La chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande, ou Matteo Renzi, chef du gouvernement italien, ont exprimé leur regret suite au choix des Britanniques, qu’ils disent devoir respecter par ailleurs. Ont-ils néanmoins compris le message que véhicule cette option déconcertante ?
Ce message se résume à la nécessité de repenser le système de construction de l’Europe. Une construction qui doit prendre en compte les aspirations des peuples qui se croient aujourd’hui sacrifiés à l’autel de l’unification. En Allemagne, en Autriche , en Grèce, en Espagne, en Norvège, au Pays-bas, en Suisse ou en Suède, les peuples se sentent comme condamnés à mutualiser leurs efforts pour supporter les migrants, le chômage et le mal-être.
En fin de comptes, les bienfaits de l’Ue leur paraissent si dérisoires qu’ils ne ressentent que les privations auxquelles ils sont soumis et c’est sur ces privations que surfent les partis populistes et eurosceptiques qui, partout, ont pignon sur rue. Bien qu’ils n’aient pas de recette miracle contre le chômage, les flux migratoires, la crise des réfugiés ou la crise grecque, ils bénéficient d’un capital de sympathie construit sur la base des discours souverainistes. Leur poids sur l’échiquier est malheureusement renforcé par le mépris que leur opposent d’autres acteurs politiques, issus des prétendus grands partis.
Construire une Europe des citoyens
Les dirigeants des pays de l’Ue sont angoissés à l’idée que le Brexit, soutenu ardemment en Grande-Bretagne par le parti Ukip de Nigel Farage, ne fasse des émules. « Victoire de la liberté ! Comme je le demande depuis des années, il faut maintenant le même référendum en France et dans les pays de l’Ue », écrit la présidente du Fn, Marine Le Pen, sur Twitter.
Aux Pays-Bas, le parti de la liberté (Pvv) de Geert Wilder et tous les mouvements europhobes néerlandais veulent profiter de l’opportunité que leur a offerte Nigel Farage. Son leader s’imagine qu’une Nexit est désormais possible. En Hongrie, le Premier ministre en exercice, Viktor Orban, a déjà promis un référendum sur la politique migratoire de l’Union. Comment contrer cette vague populiste en ces temps difficiles où le projet communautaire est ébranlé dans ces fondations ?
La pire des choses à éviter serait pour les 27 de penser qu’après la défection de la Grande-Bretagne, la vie peut continuer comme si de rien n’était. Le pays de Cameron, considéré comme l’un des membres-fondateurs de l’Ue, en était aussi un poids lourd, un élément nécessaire à l’équilibre du couple Franco-allemand. Certes, il peut paraître exagéré d’évoquer le risque d’une désintégration de l’Union, mais les dirigeants européens doivent reconnaître qu’il y a problème, que le Brexit ne permet plus d’étouffer. Ils doivent reconnaître avec Donald Tusk, le président du Conseil européen, que « l’euroscepticisme est une réalité qu’il n’est plus possible d’ignorer ». En réalité, que l’on renonce ou continue dans le rêve fédéraliste, le plus important est de pouvoir construire une Europe des citoyens.
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