Hamenni Kamel, président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie : « Nous utilisons les moyens du ministère du Commerce, de l’Etat, pour promouvoir nos produits à l’étranger »

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Dans la logique d’une offensive très remarquable à l’international, avec pour mission de mettre en relation les opérateurs économiques de son pays avec leurs homologues étrangers, à travers la signature de protocoles d’accord et la création de conseils d’affaires, le président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci) Hamenni Kamel séjourne au Tchad, après la Côte-d’Ivoire et le Cameroun. Ceci, pour davantage développer la coopération économique, promouvoir les échanges commerciaux entre les Etats africains, explorer les opportunités de partenariat entre les opérateurs économiques et leurs homologues et surtout, connaître les potentialités du marché africain.

Monsieur le président, en tant que bras séculier de l’Etat, en matière de commerce et surtout d’exploitation des produits hors-hydrocarbures, en quoi consiste la politique de la Caci dans ce cadre ?

Tout récemment notre président Abdelmadjid Tebboune a changé de cap et est en train d’accélérer les réformes. On peut citer, entre autres, la loi sur l’investissement, pour la première fois depuis l’indépendance, et on attend les textes d’application. Cela prouve la sérénité dont l’Algérie a besoin, surtout pour se détacher des hydrocarbures.

Donc, la politique interne quant à l’investissement est assez forte. Ce qui donne des produits forts pour l’export. E, notre qualité de Chambre de commerce d’Algérie, nous appliquons la stratégie dictée par notre président et appliquée par tous les ministres.

Vous avez engagé, il y a quelques années, une tournée en Afrique, quel est le but, quand on sait que la Zlecaf est lancée et que bientôt il n’y aura plus de frontières en matière de commerce en Afrique ?

Nous avons créé beaucoup de conseils d’affaires. Quand je suis arrivé à la tête de la Caci, j’ai trouvé déjà 37 conseils d’affaires. Moi-même j’en ai fait quelques-uns. Même du côté de Cuba, nous avons organisé une commission mixte intergouvernementale. A l’issue de la réunion, on a fait des rencontres be to be entre les opérateurs économiques algériens publics et privés. Nous avons pris avec nous 65 opérateurs et Pdg d’entreprises et nous avons pu leur faciliter la signature de plusieurs protocoles d’accord.

De même pour l’Afrique, nous avons plus de chance d’exporter vers l’Afrique. D’abord parce que c’est des pays voisins, nous pensons de la même manière, chacun veut se développer. En réunissant les outils communs nous pouvons créer une synergie et sortir de la matière première, afin que l’Afrique devienne le réservoir du monde développé. Nous aimerions, nous-aussi, profiter de cette matière première et créer de la plus-value, de la richesse, de l’emploi ; stabiliser les populations ; éviter le terrorisme qui est issu de la pauvreté. L’Algérie et l’Afrique y travaillent.

Vous avez dit que la Zlecaf va entrer en application, je voudrais rappeler que la Zlecaf a commencé à baisser ses taux en 2021 et nous sommes à la troisième année. Dans deux ans, il y aura zéro douane, mais je rappelle qu’aucun pays n’a accédé à ce bénéfice de la Zlecaf. Chaque pays a ses contraintes, ses relations anciennes mais la Zlecaf est en marche, on est en train de sensibiliser tous les pays, parce que sans la Zlecaf, nous ferons de faire face à des groupes qui sont organisés et qui nous imposent leur manière de travailler, leur manière de voir, que nous devons contrecarrer par la force et les besoins nécessaires pour l’Afrique au développement.

Je peux citer un autre article qui dans la Zlecaf, où on exige de chaque pays africain, signataire de la convention, de transformer 40% des matières premières. Ce qui est encore bien dans cet article est que si un pays n’a pas de moyens de les transformer à son niveau, il peut donner son quota à d’autres pays, jusqu’à ce qu’il soit à la hauteur de prendre la totalité. Ça aussi c’est un avantage. Les pays développés nous écrasent par leur technologie, leur savoir-faire et ne donnent pas d’importance par rapport à nos matières premières. Et comme vous le savez, les matières premières c’est 90% de la plus-value et 10% c’est minime pour payer les employés, développer le pays…

Par contre, eux quand ils nous vendent leurs produits c’est l’inverse : 10% de matières premières, 90% de plus-value. Dans certains secteurs, on arrive à 1%, notamment dans les phytos pour le traitement des plantes. Quant les grands groupes nous vendent ces produits c’est 1% de matières premières et 99% de plus-value. Pourquoi pas, nous-aussi, valoriser nos produits et les bousculer dans ces chiffres.

Plusieurs conseils d’affaires ont été créés en 2022. Y’en aura-t-il encore cette année ?

Bien évidemment. C’est ce qui justifie d’ailleurs ma présence ici au Tchad, parce que déjà le président tchadien est venu chez nous, et on a profité de l’activité économique pour créer un conseil d’affaires. Nous avons aussi     approfondi et fait des projections sur les relations entre l’Algérie et le Tchad. Donc, là où le besoin se fait sentir, on va demander à ce qu’il y ait un conseil d’affaires, parce que c’est le seuil qui va rapprocher les opérateurs économiques, surtout avec les anciennes idées qu’on a de certains pays. A titre d’exemple, certaines personnes m’ont appelé pour demander comment je peux aller au Tchad ; mais moi je leur ai dit que je n’y trouve aucun mal, je n’ai pas peur de l’Afrique, j’y vais.

Quels sont vos rapports avec le ministère du Commerce Algerienne?

Tout d’abord, nous travaillons ensemble, en ce sens que la Caci suit la stratégie tracée par le président. En tant qu’opérateurs économiques, nous pouvons contacter les opérateurs étrangers. Si on a besoin du ministère du Commerce pour nous accompagner, nous préparer, ce sera à travers nos ambassadeurs, qui sont installés dans ces pays tiers, afin que ceux-ci nous préparent de leur côté, pour la réussite des rencontres.

Quels types d’accompagnement la Chambre apporte-t-elle aux opérateurs économiques au niveau local ou à l’extérieur de l’Algérie ?

La Casi est très ancienne, elle a 160 éléments qui travaillent à l’intérieur, je ne parle pas des élus. Au niveau national, nous dépassons les 1250 à 1300. Il y a 58 présidents et trois fois plus de vice-présidents et c’est eux-mêmes qui élisent le président national. Donc la Caci travaille pour l’ensemble du pays à l’intérieur, sans négliger les spécificités économiques de chaque région. Les statuts ont été changés par le ministre de Commerce et avec les nouveaux statuts, les Chambres de commerce sont ralliées à la Caci, pour qu’il y ait beaucoup plus de coordination dans les actions. Nous faisons aussi des salons au niveau local.

Maintenant, pour ce qui est de l’extérieur, au niveau de la Caci, de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex) qui est une agence qui dépend du ministère du Commerce pour l’exportation, nous faisons des salons dans des cas de surproduction, c’est-à-dire où on a un excès pour l’exportation, le premier cas c’est bien la datte algérienne. Lors du dernier salon, nous avons invité tous les ambassadeurs et nous avons fait la promotion des produits locaux. Nous avons des comptoirs un peu partout et nous aidons les exportateurs par les attachés commerciaux au niveau des ambassades. Nous avons l’électroménagers qui est très développés, nous formons aussi des Africains, qui ont des relations avec nous, nous les formons en Algérie, pour pouvoir réceptionner nos produits.

S’agissant de ce que nous pouvons apporter aux opérateurs au niveau international, nous les accompagnons avec les outils de la Caci et les outils de l’Etat, étant donné que nous sommes une chambre institutionnelle, nous dépendons du ministre du Commerce et de l’Etat. Donc, si besoin se fait sentir, on fait appel à nos ambassadeurs, on fait appel à nos attachés commerciaux, on envoie des émissaires pour préparer les actions, d’un côté comme de l’autre. La dernière fois, on a travaillé en vidéoconférence avec les plus puissants, on a signé une convention, une déclaration de conseil d’affaires par vidéoconférence, jusqu’à réalisation d’une action économique. Cela a évité les déplacements A ce moment-là, et dans ce cas, on peut couvrir les frais de déplacement et tout.

Votre pays développe actuellement une stratégie de conquête du marché à l’international, quel rôle joue concrètement la Caci dans ce grand déploiement ?

D’abord, il y a les textes, qui ont été changés et renforcés. Actuellement on attend d’autres textes, avec impatience, sur le conseil de la monnaie et du crédit, parce qu’on est un peu bridé sur le transfert de la devise, qui sont des leviers. Nous avons aussi des textes pour la douane qui favorisent l’exportation et permettent qu’on puisse exporter rapidement, quand on sait qu’avant, on avait le même problème qu’à l’importation. Donc tous ces outils législatifs, avec des textes qui ont été changés, encouragent les opérateurs à l’export.

Nous ferons des salons de dégustation très prochainement à Moscou, en Russie. Nous avons également participé à des salons à Paris, avec des sociétés qui ont exposé des produits algériens au salon de l’agriculture qui a eu lieu récemment. Nous avons l’année de l’Algérie dans plusieurs pays…

Toutes ces actions c’est pour se faire visible à l’étranger, rendre le peuple algérien et les opérateurs économiques algériens visibles à l’étranger.

En 2022, la valeur de l’exportation hors hydrocarbure a atteint près de 7 milliards de dollars, en hausse de 36% par rapport à 2021. Que peut-on prévoir par pour l’année 2023 ?

Nous faisons une projection de 10 milliards de dollars pour 2023 et en 2024, on va avoisiner les 15 milliards de dollars. Ce n’est pas une utopie, parce qu’il s’agit des chiffres qui s’appuient sur les statistiques des entreprises qui vont entrer en production et qui sont en train de se préparer à l’export. Nous avons l’industriel Cévital qui va démarrer un complexe pour la trituration des oléagineux. Cela fera rentrer de la devise au pays et alléger un peu le marché national pour laisser de la place aux autres investisseurs. Ça aussi c’est une stratégie, et il va exporter la première année 750 millions de dollars. Nous avons des entreprises dans l’électroménager, le ciment, le phosphate, aussi des minerais du côté du Maroc, Gara-Djebilet, qui est l’un des plus grands gisements du fer au monde, qui va entrer en exploitation, on est en train de faire le chemin de fer… Donc dans un proche avenir, on peut se dégager des hydrocarbures. On a également essayé de voir avec un expert qui s’appelle Pr Manier Yandepin, qui a fait plusieurs écoles en Algérie, c’est un expert international, qui nous a prédit que si nous ne sortons pas des hydrocarbures d’ici 10 ans, c’est-à-dire 2030, nous allons rester pauvre à l’éternité, parce que la croissance démographique va être une pesanteur et il sera difficile de se détacher. Je vois ici au Tchad des pères de famille qui ont 8, 10, 20 enfants. Je pense qu’il faut faire une politique de natalité, l’Algérie est aussi passée par là. Parce que nous on lit souvent dans le coran que c’est Dieu qui donne à manger aux enfants, mais il y a beaucoup de conditions qui tournent autour. On ne peut pas prendre ce texte comme cela, il faut travailler.

Donc, les pays africains ne changent pas de politique comme l’Algérie, en faisant une politique à long terme, un programme de natalité… la stratégie américaine est basée sur 150 ans et nous n’arrivons pas à avoir une visibilité de 5 ans. C’est grave ! la croissance : quel est le besoin en eau ? En éducation ? En enseignement ? En soin ? Tout cela doit être tracé. Ce qu’on est en train de faire, avec la politique d’échange dans le domaine économique, est déjà un pas vers cette stratégie.

Vous êtes au terme de votre séjour au Tchad après avoir parcouru beaucoup de pays, notamment en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest ? Quelle lecture faites-vous des rencontres économiques que vous avez réalisées ?

J’étais en Côte-d’Ivoire, au Cameroun et actuellement je suis au Tchad, c’est des gens avenants, ils ont très bien accueilli notre visite. Je suis optimiste. Nous avons la chape de plomb de décolonisé de manière triviaux tri vieux , les Africains

Et quand on me demande ce que vous pensez de notre capitale, je dis je n’ai rien vu, je vois les hommes, parce que quand on est bien accueilli on ne regarde pas le matériel.

Au point de vue économique, il y a beaucoup de potentialités. C’est malheureux de voir un pays plein de ressources qui n’a pas l’outil pour conditionner. J’ai dîner avec la représentation locale du Fmi, notamment le directeur général adjoint qui est venu me rendre visite. Or, quand je vois le Fmi… Vous savez qu’en général, rares sont les pays qui s’en sortent avec le Fmi, parce que le Fmi veut rentabiliser l’argent des bailleurs. Donc, je pense qu’on doit s’entraider. Un adage de chez nous dit que « ton voisin le plus proche est meilleur que ton frère qui est loin ». Donc, si on ne peut pas se développe entre voisins, alors qu’on est à un jet de pierre, c’est dommage. Nous avons une usine de pneu, et la dernière fois, lors d’une visite en Côte-d’Ivoire et au Cameroun, j’ai constaté que l’usine de caoutchouc d’Edéa (au Cameroun) traite avec l’Asie. Je me suis dit que ce n’est pas possible. Alors chez moi, si je monte sur la montagne et je l’appelle il peut me répondre. Il faut arrêter ça. Il faut casser le tabou. On nous a formaté le cerveau. Si on se retourne en Afrique, on va nous décourager, créer la zizanie, l’instabilité, pour faire peur aux investisseurs. Notre politique ce n’est pas de vendre avec l’Afrique c’est de faire un partenariat win to win, former le personnel, et puisque nous avons déjà le personnel formé, transférer une partie de la production en Afrique. Ce qu’on aimerait que les autres nous face à nous, on aimerait aussi le faire aux autres. C’est ça le croyant. Faire du bien comme on aimerait recevoir du bien.

Monsieur le président, pouvez-vous parler de la formation du personnel en Algérie ?

Nous avons au niveau de la Caci, plusieurs écoles de formation, la Safex qui qui dispense des formations spécifiques aux conditions économiques de la région tel que le port, par exemple, où on fait la formation de tout ce qui tourne autour du port (transitaires déclarants…). Nous faisons des formations en ingénierie, en management. A l’échelle d’Alger, nous avons une grande école nationale qui fait des formations en licence, Mba, et font les recyclages pour les cadres. Nous avons également une école mixte intergouvernemental (50% Algériens, 50% Français), dont je suis le président. Nous formons actuellement 800 licenciés et Mba par an. C’est un diplôme international qui leur permet de travailler partout dans le monde entier. Pour ce qui est de la formation de recyclages pour les cadres, nous en faisons 2500 par an. Et c’est ouvert à tout le monde.

On se souvient qu’au temps de notre feu président Boumedienne, il avait ouvert, dans les années 70, des universités aux Africains, où ces derniers pouvaient s’inscrire, avoir une chambre et étudier. Personnellement, j’ai étudié avec des Malgaches, des Camerounais, des Sénégalais, des Ivoiriens… C’était l’Afrique. Donc, nous aimerions aussi relancer tout cela. Nous avons des universités qui forment très bien. Nous avons des chercheurs. Je saisis cette occasion pour lancer un appel : les Africains qui n’ont pas certaines spécialités chez eux, nous les invitons à venir chez nous. Nous avons toutes les facilités pour leurs formations.

Propos recueillis par Richard KENMOGNE


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