Les négociations entre les Occidentaux et Moscou pour une sortie de crise en Ukraine piétinent et les parties de démonstration de force se poursuivent dans les deux camps.
Par un étrange tour de passe-passe, Vladimir Poutine a réussi à pousser la Crimée dans le giron de la Russie. A l’issue d’un référendum sous surveillance de l’armée russe, la province russophone de l’Ukraine s’est prononcée à plus de 90% en faveur du rattachement à la Russie. Cette volonté a été ratifiée en grande pompe par le parlement à Moscou. Il s’en est suivi un concert de condamnation dans le bloc occidental.
L’Union européenne et les Etats-Unis ont adopté des sanctions contre la Russie, l’a exclue du G8 et annoncé des sanctions plus dures si Moscou persiste sur « la mauvaise trajectoire.» La partition de l’Ukraine a mis à mal les relations entre l’Occident et la Russie. Parallèlement à une intense activité diplomatique, on a assisté de part et d’autres à des actes de provocations et de propagande belliqueuse qui rappellent la chaude ambiance de la guerre froide.
Quelques temps après le coup de Moscou, on a observé, selon un journal bulgare, une recrudescence des vols des avions espions russes au dessus de la Mer Noire. En réaction à cette provocation, les MIG-29 bulgares sont entrés en scène. Agissant dans le cadre du programme Air Policing de l’Alliance atlantique, leur mission a consisté à surveiller et à barrer la route aux aéronefs russes qui, certes ne violaient pas l’espace aérien bulgare mais évoluaient « à proximité immédiate de ses frontières.»
Un fait qui a d’autant inquiété la Bulgarie que les vols des appareils russes étaient quasi quotidiens et n’avaient pas de plan de vol. Dans l’ensemble, les pays membres de l’Otan n’étaient pas sereins car ne disposant pas d’informations sur le contenu de ses avions et ne savaient rien de leurs objectifs. Au ministère bulgare de la défense, on parlait d’appareil IL-40 utilisés à des « fins de renseignements radio ».
Les frontières de l’Europe remises en question
A la suite de la Bulgarie, les F16 turcs sont entrés aussi en action avec les mêmes objectifs : contrer les appareils russes qui flânent continuellement sur les côtes. Quant aux avions radar Awac de l’Otan, ils patrouillent toujours dans les espaces aériens polonais et roumain. Cette atmosphère enflammée a précipité la signature des accords de défense entre certains pays de l’Est de l’Europe. La Bulgarie et la Grèce par exemple ont signé un accord prévoyant une mutualisation des défenses aériennes face à la menace russe.
L’ambiance de guerre froide a également été manifeste à l’Assemblée générale de l’Onu lors du vote de la résolution qui a déclaré « invalide » l’annexion de la Crimée. De part et d’autre, des campagnes de lobbying ont été déployées en coulisse pour tenter de rallier les Etats membres chacun à sa cause. Les diplomates occidentaux ont accusé l’ambassadeur russe à l’Onu de se livrer à un lobbying agressif contre la résolution.
En qualifiant la résolution de «contre productive, » la Russie de son coté a dénoncé les occidentaux pour avoir, dit-elle, eu recours à « toute la force du potentiel encore existant de la machine de propagande de l’époque de la guerre froide« .
La prise de contrôle de la Crimée avec la bienveillance et la collaboration des autorités locales préoccupent au plus haut point l’occident. Elle l’a placé devant l’incertitude. Et du coup surgit le débat autour de la question des frontières de l’Europe et évidemment de la capacité de l’Alliance atlantique à réagir face à une Russie « dangereuse et imprévisible ». Le potentiel de l’Otan est en ce moment préoccupant. Les Etats Unis qui est le membre le plus puissant de l’alliance transatlantique a réduit sa présence militaire en Europe de 85% depuis 1989 et les Européens n’ont pas compensé ce désengagement. Par ailleurs on ne sait pas si Moscou après la Crimée peut prendre des initiatives supplémentaires.
En tout cas dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, l’annexion de la Crimée par la Russie est prise très au sérieux. Elle invite à se préparer au cas où…
Richard KENMOGNE