Très ému au sortir de son tout premier sommet depuis son investiture, le président comorien a quitté Kigali avec la satisfaction d’avoir réussi, avec ses pairs de l’Union africaine, la mission qui leur était assignée. Témoignage.
Excellence, quel est votre sentiment au terme de cette 27e Conférence de l’Union africaine?
C’est d’abord le sentiment d’une conférence réussie. Et c’est pour cela que je félicite le président du Tchad qui présidait la conférence, la présidente de la Conférence africaine, madame Zuma, et le président Kagamé. C’est un sommet réussi. De ce côté là, il n’y a rien à redire.
Maintenant s’agissant du contenu, il y a des aspects très importants : c’est le passeport africain qui a été adopté. C’est très important car il symbolise l’unité du continent. Il y a aussi la méthode de financer l’Union africaine qui est une méthode autonome, qui fait que dans peu de temps, l’Afrique va se prendre en charge dans le financement de l’organisation.
Je crois que ce sont là les deux points importants. Sinon, il y a le thème de la sécurité. On en a tellement parlé, avec la question du terrorisme qui, malheureusement, n’a pas de frontières. De même, on a mis l’accent sur les droits de l’homme. Et justement, le thème principal aujourd’hui, c’est le droit de l’homme, surtout de la femme, on en a parlé. D’ailleurs, Mme Zuma a décerné des prix aux autorités qui ont eu le mérite de mieux contribuer que d’autres. On a vu le président Kagamé, la Tunisie, l’Algérie… Donc, voilà autant de thèmes qui ont été au centre des discussions de ce sommet.
Moi, j’estime que c’est un sommet bien réussi. Il faut aussi dire que c’est le premier sommet auquel je participe depuis mon investiture à la présidence de mon pays. Donc, c’est très émouvant. Mais, je pars avec la satisfaction que nous avons réussi la mission qui nous a amenés ici.
Parlant justement de votre premier sommet, comment avez-vous été accueilli par vos pairs, sachant que vous étiez parti et que vous êtes revenu ?
Ah! Vous m’appelez le revenant ? Non, il y avait une gentillesse extraordinaire. Surtout de ceux avec qui j’étais en contact avant que je ne parte, parmi lesquels les présidents Deby, Sassou Nguessou, entre autres, voire même Kagamé. Il y avait une très belle émotion de me voir revenir. C’était très chaleureux. C’était fraternel. J’ai beaucoup apprécié.
Excellence, votre pays a connu beaucoup de soubresauts, comment comptez-vous les relever ? Autrement dit, quelle est votre feuille de route ?
En fait, c’est un constat. Puisque quand on parlait de l’insécurité, il s’agissait aussi de la déstabilisation. Moi, j’ai eu à faire état du cas de mon pays pour dire que c’est surmontable. Il n’y a rien qui est insurmontable, puisque mon pays a connu depuis son indépendance une évolution en dents de scie, avec une instabilité chronique. Mais fort heureusement de 1990 à ce jour, on assiste à une paix vraiment relative qui reste à consolider, à parfaire, c’est normal. Mais on peut s’estimer heureux et se féliciter de ce que depuis bientôt 20 ans, ce pays connaît des alternances politiques pacifiques, puis démocratiques. C’est-à-dire que chaque fois, le peuple comorien choisit son leader. Moi, j’ai été de l’opposition et j’ai été choisi. Donc c’est une marque qui montre que l’alternance est réelle chez nous. Ce n’est pas un pouvoir que l’on passe à un autre pouvoir. Dans les faits, cela prouve que c’est quelque chose de très important. Il faut s’en féliciter. Néanmoins, il y a beaucoup à faire, rien n’est jamais gagné. Il faut aller de l’avant. Mais, on peut s’estimer heureux par rapport aux problèmes que nous avons eu à traiter ici, en espérant que le pays dans la stabilité.
Excellence, peut-on dire aujourd’hui que vous êtes un démocrate, quand on sait comment vous êtes arrivé au pouvoir pour la première fois, puisque vous arrivez au pouvoir par voie d’élection ?
Mais, ce n’est pas à moi de le dire. C’est plutôt à vous de le faire. Vous posez une question alors que vous connaissez la réponse. Après avoir résolu le problème de l’unité qui nécessitait un peu de force, même si je peux avouer que ce n’était pas la méthode idéale, on peut s’estimer heureux dès lors que cela a donné des résultats. Parce qu’il y a d’autres méthodes comme celle-là qui n’ont donné aucun résultat ailleurs. Donc, la méthode en elle-même n’est pas salutaire, mais heureusement, c’est une exception. Cela s’est vu aux Comores et a donné des résultats, puisque trois ans après, j’étais parti aux élections. Ensuite, j’ai démissionné de mon poste de président et j’ai été démocratiquement élu. Plus tard, j’ai passé le pouvoir.
Finalement, je peux dire qu’aujourd’hui que la démocratie est un exercice que les Comores maîtrisent bien, et cela peut servir d’exemple à d’autres pays.
Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que les Comoriens vous doivent cette démocratie ?
Pas personnellement. Parce que quelles que soient les convictions qu’ils avaient, s’il n’y avait pas des gens qui m’entouraient, je n’aurais pas réussi. Même du temps où j’étais venu d’une façon qui n’était pas légale, il faut reconnaître qu’à cet instant, j’avais eu des cadres comoriens qui m’ont fait confiance. Et partant, nous avons créé un parti politique.
Donc, je ne peux pas dire que les Comoriens me doivent la démocratie. Ils la doivent à une équipe de Comoriens qui se sont engagés dans cette voie et qui ont franchi des hauts et des bas. Parce qu’après avoir quitté le pouvoir, nous avons traversé dix ans de répression. Néanmoins, on a tenu bon. J’étais tout simplement le chef de fil de cette équipe-là. Sachez que la démocratie est un exercice que les Comoriens ont pratiqué même dans le vieux temps où il y avait ce cycle-là. Il y avait des Comoriens qui croyaient en la démocratie, qui ont lutté pour elle. Et je fais partie de ces gens là.
Propos recueillis à Kigali par Richard KENMOGNE