« LE LÉGISLATEUR PLACE L’ENVIRONNEMENT AU CŒUR DU DÉVELOPPEMENT DU CAMEROUN »

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l auteur du livre

Alain Fréjus Ngompé  Auteur du code de l’environnement du Cameroun, dans sa formule de codification-compilation, décline  ici ses motivations et explique les contours de son œuvre.

le code de l ‘environnement du Cameroun en trois tomes.

 Guy Modeste Dzudie : Qu’est-ce qui justifie cette codification – compilation de toutes les dispositions juridiques et réglementaires  sur l’environnement au Cameroun ?

 Alain Fréjus Ngompe : Dans le contexte actuel, on note une insuffisance notoire de la vulgarisation des instruments juridiques nationaux particulièrement ceux liés à l’environnement et au développement durable; ce qui les rend méconnues du grand public et particulièrement aux porteurs d’enjeux en la matière et conséquemment, leur application en pâtit. Ceci sans oublier des nombreuses incohérences observées dans les différentes dispositions afférentes à ces secteurs qui jettent une part d’ombre sur ces concepts pourtant très riches. Nous pensons que l’information relative au droit environnemental et de développement durable est sans nul doute l’un des moyens les plus importants d’accroitre les capacités des acteurs d’agir en faveur de l’environnement et de développement durable. Le principal problème auquel cette trilogie s’attaque donc est celui de la faible appropriation d’instruments juridiques régissant l’environnement et le développement durable au Cameroun. Ceci parce que les dispositions juridiques régissant l’environnement et le développement durable sont disparates, éparses, et émiettées entre plusieurs ministères camerounais, ce qui rend difficile à la fois leur accessibilité et leur exploitation. Cette situation implique un certain nombre de conséquences au rang desquelles on peut citer : la faible appropriation de la question environnementale et de développement durable par de nombreux acteurs. Quid des organisations de la société civile, impliquées dans le domaine de l’environnement, quid des magistrats chargés d’appliquer le droit, quid des avocats impliqués dans des procès liés aux questions environnementales, quid des responsables des collectivités décentralisées, quid des investisseurs dont les exigences de la responsabilité sociétale et environnementale interpellent.

Avez-vous procédé à un diagnostic de cet environnement juridique avant d’envisager votre travail ?

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation. On note au Cameroun, la prolifération, la diversité et la dispersion des textes juridiques régissant l’environnement et le développement durable au Cameroun. La jurisprudence en la matière est justement très pauvre. Bien que l’article 15 de la loi N°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement recommande au ministère en charge de l’environnement de tenir «un recueil à jour de la législation et réglementation nationales et des instruments juridiques internationaux en matière d’environnement », force est de constater que cette disposition est loin d’être appliquée. Alors, si nous pensons qu’une codification substantielle semble être la solution idoine, il reste qu’une codification à droit constant, soutenue par l’esprit de l’article 15 de la loi N°96/12 du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, que nous proposons, va aider à avoir une vue synoptique des textes environnementaux et de développement durable comme sous d’autres cieux. Elle va aussi aider à réduire le déficit de vulgarisation des dispositions juridiques liées au secteur. Bien plus, nous avons constaté que, la source Internet en terme de recherche de textes juridiques n’est pas fiable. Les textes juridiques, en forme de document word, sur internet, sont extrêmement trompeurs. C’est la foire à des nombreuses fautes de frappe, de nombreuses omissions, des nombreuses répétitions dans les dispositions législatives et réglementaires qui contribuent, étonnamment, à diluer l’authenticité des textes juridiques. Et pour finir, il est évident le ministère de l’environnement du Cameroun ne peut aller au delà de cette codification sans empiéter  sur les compétences des autres ministères.  

Vous semblez vouloir mettre également le droit de l’environnement à la disposition de monsieur tout le monde….

Nous nourrissons l’espoir que ce travail va mettre en exergue, de par sa catégorisation, les incohérences de la législation environnementale et de développement durable afin de susciter le débat en vue de son amélioration. Pour nous, cette codification  va aller dans le sens du renforcement de la participation des citoyens dans les stratégies de développement économique et social du pays en l’occurrence dans le secteur de l’environnement et du développement durable.

Quand on parcoure les trois tomes de plus de 500 textes juridiques, de votre code de l’environnement, on pourrait penser que vous faites une lecture très élastique de l’environnement…

 La pierre angulaire de notre recherche réside dans la définition quasi atypique de « l’environnement » par le législateur camerounais. Le législateur définit « l’environnement » comme « l’ensemble des éléments naturels ou artificiels et des équilibres bio géochimiques auxquels ils participent, ».ce qui est en soi déjà très globalisant, mais il ne s’arrête pas là. Il va plus loin  en ajoutant «  ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines ».Par cette double exigence, ilconsacrefrontalement la  transversalité de cette discipline et traduit fondamentalement son caractère systémique . Il place donc l’environnement au cœur  déploiement économique du Cameroun. Il pose la question environnementale et de développement durable au centre de la stratégie d’émergence du Cameroun. Il valide, par exemple, les articulations naturelles, les interconnections entre la forêt et l’urbanisme, entre ressources naturelles et le foncier, entre le transport et le patrimoine routier et l’aménagement du territoire etc…Il glorifie une complexité qui va au de la protection de l’environnement. Cette définition, cette vision de la question environnementale du législateur Camerounais, devrait donc à elle seule réorganiser toute la politique de développement du Cameroun et concourir à réduire le nombre de ministères.

Les trois tomes du code de l ‘environnement du Cameroun

Vous parlez de politique ? 

 La gouvernance est plus que jamais liée aux interrogations de nature sociétale sur les problèmes environnementaux et de développement durable. En effet, la prise en compte des contraintes environnementales et de développement durable apparaît comme le terrain privilégié pour une modernisation de l’action publique, qui se manifeste notamment par l’émergence de nouvelles formes d’organisation entre les différents ministères de la République du Cameroun, mieux de nouveaux modes de participation des citoyens à la construction de la société.

Pourquoi un glossaire dans un code ?

Cet ouvrage porte effectivement un glossaire de plus de 900 mots reparti dans les trois volumes. Son but est celui de favoriser l’appropriation et la réappropriation d’un langage savant construit par le secteur, qui de part sa technicité, ne favorise pas toujours sa maitrise par les différents acteurs. Il s’agit donc de permettre aux groupes cibles, aux citoyens et autres entrepreneurs modernes d’avoir accès à des mots justes et des notions trop souvent compliqués que les spécialistes partagent et qui restent inaccessibles pour le commun des mortels. Mais plus que tout , il s’agit de nourrir la jurisprudence environnementale au Cameroun.

Propos recueillis par Guy Modeste DZUDIE

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