La Banque des Etats de l’Afrique Centrale a été épinglée par un rapport d’audit qui met à nu des pratiques peu orthodoxes dans la gestion des affaires de cette institution sous-régionale où la méritocratie semble la chose la moins partagée.
Disponible depuis le mois de mars dernier et publié ces derniers jours, le rapport d’audit RSM France sur le Concours AES de la BEAC n’est pas très reluisant et dénonce des dysfonctionnements criards dans la gouvernance ; ce qui n’est pas pour arranger l’image de marque des anciens responsables de cette institution dont le Tchadien Abbas Mahamat Tolli était le premier d’entre eux.
Il faut souligner qu’en 2023, ce dernier qui a quitté son poste de gouverneur de la BEAC le 16 février 2024 était déjà au centre d’un scandale suite à la publication des résultats de ce concours de recrutement des Agents d’Encadrement Supérieur à la BEAC. Il était accusé d’avoir favorisé des proches, y compris son épouse, dans le cadre de ce recrutement. Cependant, bien que le conseil des ministres ait décidé de suspendre la publication des résultats, le banquier tchadien avait choisi de les rendre publics, suscitant des tensions. Nul doute, certainement que cette sombre affaire l’a poursuivi comme son ombre jusqu’à Abidjan où se déroulait l’élection du président de la BAD (Banque africaine de développement) le 29 mai dernier, et a plombé considérablement ses ambitions. En effet, l’ancien gouverneur de la BEAC a été éliminé au premier tour au cours du scrutin, obtenant 0,52 % de suffrages exprimés.
Pour un concours de 45 places, on a 66 admis
« La BEAC a organisé en 2022 un concours pour le recrutement de 45 Agents d’Encadrement Supérieur (AES). Toutefois, à l’issue du processus, 66 ont été déclarés admis, ce qui a suscité de nombreuses réclamations portant sur la régularité, l’équité et la transparence du concours », note le rapport qui situe ainsi le contexte de la démarche dont « l’objectif était d’évaluer l’ensemble du processus, depuis la sélection du cabinet prestataire jusqu’à la publication des résultats, en passant par l’organisation logistique, la gestion des candidatures et l’évaluation des profils » En tout état des causes, rien n’a été fait de manière transparente et objective, car la sélection du cabinet retenu pour le recrutement des postulants a été faite en « violation des codes de Marchés de la BEAC » Une sélection qui est donc irrégulière, non transparente, et marquée par des pratiques discriminatoires, critique sévèrement le rapport.
En ce qui concerne la sélection des candidats, le rapport indique que « l’analyse des candidatures a mis en évidence que 13% des candidats retenus étaient inéligibles » Ce qui implique que tout le processus mis en place a manqué de traçabilité. Par ailleurs, l’évaluation des profils aussi en prend un coup : le rapport souligne le déficit d’objectivité, d’équité et de rigueur.
Que faire maintenant des résultats de ce rapport ?
De manière générale, la mission d’audit désapprouve la sélection du prestataire qui n’a pas respecté les règles de transparence, la sélection des candidats est entachée d’irrégularités majeures, et l’organisation logistique n’ayant pas assuré des conditions équitables à tous les participants. Elle conclut que « les résultats finaux du concours ne peuvent être considérés comme reflétant fidèlement les performances individuelles des candidats, ce qui met en cause la crédibilité de l’ensemble du processus »
Au final, que compte faire la nouvelle direction de la BEAC ? Comme on le sait, ces informations sont capitales et surtout accablantes. Elles jettent l’opprobre sur une institution qui met en valeur la respectabilité, l’excellence et la transparence dans la gestion de ses activités, les notions cardinales de gouvernance. Les prochains jours nous donneront des réponses précises à cette question.
Serge HENGOUP