Délocalisation au nord du pays, huis clos total, tensions, manque d’organisation… Le bouillant derby du Caire entre Al-Ahly et Zamalek, prévu samedi, symbolise tous les problèmes liés au football en Egypte, à trois mois de « sa » CAN.
Sur le plan sportif, l’enjeu est de taille. Leaders du Championnat avec 53 points, les Chevaliers blancs de Zamalek sont talonnés par les Diables rouges d’Al-Ahly, qui pointent à 51 points.
Mais à trois mois de la Coupe d’Afrique des nations (21 juin-19 juillet), c’est ailleurs que les regards sont braqués: au cours d’une saison marquée par de violentes passes d’armes entre les grands clubs et la Fédération (EFA) à laquelle ils ont voulu imposer leurs agendas respectifs, bousculant le calendrier, fans et analystes dénoncent un manque d’organisation atteignant un niveau inédit.
« Le (derby) se jouera sans public à la demande des services de sécurité », a déclaré à l’AFP le responsable média de l’EFA Ossama Ismaïl. Toute rencontre entre les deux équipes étant un « sujet sensible », en particulier cette année, les autorités souhaitent « éviter les problèmes entre supporters », a-t-il ajouté.
Samedi, le stade Borg al-Arab, situé en plein désert à l’ouest d’Alexandrie et présenté comme le plus grand de la région, avec une capacité d’accueil de plus de 80.000 personnes, n’ouvrira ses portes qu’à une poignée de journalistes et membres du personnel des deux clubs.
Ces dernières années, les ultras ont été particulièrement actifs et les championnats locaux ont été le théâtre d’affrontements parfois meurtriers, en marge de matchs impliquant Al-Ahly et Zamalek.
En février 2012, au moins 74 personnes, pour la plupart des supporters d’Al-Ahly, sont mortes dans des heurts au stade de Port-Saïd après une rencontre entre le club cairote et l’équipe locale d’Al-Masry.
– la CAN, une « occasion en or » –
Cet événement, qualifié de « massacre de Port Saïd » par les fans d’Al-Ahly, avait conduit à l’interdiction faite aux supporters d’assister aux matches. La mesure avait été par la suite assouplie.
Mais en 2015, des affrontements avec les forces de l’ordre devant un stade de la capitale avait fait 20 morts dans les rangs des fans de Zamalek. L’interdiction totale d’accès aux stades avait alors été réinstaurée.
Les ultras d’Al-Ahly et de Zamalek ont annoncé l’année dernière leur dissolution. Les autorités avaient dans la foulée affiché leur volonté de permettre un retour progressif des supporters sur les gradins.
Mais, selon M. Ismaïl, les violences verbales des clubs par médias et réseaux sociaux interposés tout au long de la saison actuelle explique le choix des autorités d’un derby à huis clos.
« On sent que le ton a changé. C’est quelque chose qui n’arrivait pas auparavant ou à un niveau bien moindre », a expliqué à l’AFP Mahmoud Diaa, du site spécialisé « Goal », en version arabe.
Mais selon lui, interdire l’accès du match aux supporters n’est pas une solution pour éviter les tensions.
« Avant les fans réfléchissaient au moyen de témoigner au mieux de leur soutien sur le terrain. Désormais, les gens passent leur temps à s’insulter sur les réseaux sociaux et le monde virtuel », a-t-il regretté.
« Chaque année, on entend que le public sera de retour, mais cela n’arrive pas », a déploré M. Diaa.
A l’instar des supporters et des responsables du ballon rond, cet analyste espère que l’organisation de la CAN-2019 par l’Egypte sera « une occasion en or pour le retour du football égyptien ».
Afp