3ème Cts Yaoundé: L’Afrique veut se libérer du modèle économique hérité de la colonisation

0
827

La commission économique de l’Union africaine, en partenariat avec l’African Capacity Building Foundation (ACBF), a tenu du 4 au 8 mars 2019 à Yaoundé, capitale du Cameroun, la 3e session du Comité technique spécialisé(CTS) sur les finances, les affaires monétaires, la planification économique et l’intégration sur le thème : «Politiques publiques pour une transformation productive».

La rencontre de Yaoundé s’est tenue dans un contexte où l’harmonisation sous régionale et régionale pose problème dans certains endroits du continent, notamment en Afrique Centrale. Entre autres thèmes abordés à l’occasion : la transformation productive en Afrique, le rôle de l’intégration régionale et du secteur privé, le leadership transformateur et la transformation productive de l’Afrique.

Révolution démographique

«Si la transformation structurelle a déjà fait l’objet de plusieurs études, les réflexions autour de la transformation productive méritent d’être alimentées», fait observer le commissaire aux affaires économiques de l’Union africaine, Pr. Victor Harison. Et l’expert de préciser son propos : «la transformation productive est un processus par lequel les gains de productivité rattrapent un groupe de pays très performants. Ce processus peut être mesuré de différentes manières, aux niveaux du continent, de la région, du pays et de l’entreprise».

Au regard de la dynamique économique en vogue dans le monde, il est important de préciser que si dans  les économies des pays développés  il est observé que le transfert de ressources se fait du secteur primaire vers le secteur secondaire puis tertiaire, dans les économies africaines, le secteur secondaire est contourné, créant un transfert direct entre le secteur primaire et le tertiaire.

La combinaison de la révolution démographique africaine,  de la transformation spatiale,  de la transition urbaine rapide, du changement climatique et  de l’intégration régionale offrent, entre autres, de nouvelles opportunités de transfert de technologie en Afrique. C’est dans cette perspective que  l’accélération du développement du secteur productif africain est essentielle pour permettre, à moyen terme au  continent, de profiter  d’une deuxième décennie de croissance en vue d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2063. C’est le véritable challenge à relever au niveau des Etats membres de l’Union africaine.

Enjeux de la rencontre

Dans le cadre de la planification économique, il est plus que jamais urgent pour les Etats africains de ne ménager aucun effort  afin  de ne plus exporter les  matières premières non-transformées. Un leadership transformateur ainsi qu’un changement de mentalité au niveau des sphères décisionnelles  sont,  au regard des contingences exogènes et endogènes, des composantes indispensables pour guider le programme transformateur et d’industrialisation des pays africains. C’est d’ailleurs dans cette optique que  le nouveau  président Malgache, Andry Rajoelina, soulignait devant ses pairs lors du dernier sommet ordinaire de l’UA que : «Nous ne pouvons pas disposer d’importantes réserves d’or et ne pas avoir une bourse de l’Or sur le continent puis ne pas être en mesure de transformer nos matières premières sur place».

Dans la même vision, Louis Paul Motaze, le ministre camerounais des Finances, hôte de la rencontre, a spécifié  que l’Afrique dispose de 30% des ressources naturelles du monde. Pour le haut cadre, l’enjeu consiste à «transformer les économies africaines, pour qu’elles soient de plus en plus fortes, de plus en plus résilientes. Et créer de plus en plus d’emplois». C’est l’une des solutions proposées par Louis Paul Motaze pour palier le retard économique de l’Afrique.

Aussi les experts réunis à Yaoundé ont-ils proposé d’autres solutions par rapport à l’exportation des produits bruts. Un défi, tant la contribution de l’Afrique au commerce mondial représente à peine 3%. Question pour le continent de se libérer du modèle économique hérité de la colonisation. Cela l’engage à repenser son propre modèle transformation des matières premières et à réduire les importations.

Franchir l’étape du développement intégré

Pour les experts africains du Comité technique spécialisé, parvenir à franchir l’étape du développement intégré du continent passe par une politique prospective élaborée dans le cadre du développement  d’un programme  des infrastructures nationales et régionales appropriées, avec des compétences techniques pour produire davantage de biens à forte valeur ajoutée et un environnement d’affaires et de commerce favorables et incitatifs.

Au regard du  contexte actuel  marqué par la réduction de l’aide publique au développement (APD) et des investissements directs étrangers (IDE) en raison du ralentissement de la croissance des économies des pays développés, il est plus que jamais nécessaire pour les états Africains  de mobiliser les ressources nationales pour financer les activités de transformation et de diversification.

Dans cette perspective, la mise en place des institutions financières de l’Union africaine que sont la Banque centrale africaine, la Banque africaine d’investissement, le Fonds monétaire africain et la Bourse panafricaine des valeurs mobilières, s’avère primordiale. Ces institutions contribueront in fine  au développement d’un système financier africain moderne et solide, ce qui  facilitera les paiements et les règlements et  réduira ainsi les risques de volatilité du taux de change associés aux échanges commerciaux et aux investissements transfrontaliers. L’idée de la mise en place d’une agence de notation s’avère essentielle afin d’évaluer les risques encourus par les entreprises, fait observer le commissaire des affaires économiques de l’Union africaine.

Zone de libre-échange

Les experts réunis à Yaoundé du 04 au 08 mars ont présenté aux ministres africains en charge des finances et de la planification un rapport invitant les gouvernements des Etats membres de l’Union africaine à prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de signer et de ratifier les instruments légaux des institutions financières et la zone de libre échange. Les ministres en charges des finances des Etats membres  et l’association des banques centrales africaines ont  travaillé sur l’harmonisation du cadre de fonctionnement des communautés régionales africaines pour parvenir à une transformation productive de leurs économies respectives telle que résumée dans l’agenda 2063, «L’Afrique que nous voulons».

Le rapport de la session de Yaoundé, tout comme les réflexions antérieures indiquent que, depuis un certain temps, les Etats africains travaillent à une initiative collective visant à une libre circulation effective des personnes et des biens sur tout le continent, mais en vain.  C’est  dans ce contexte que le comité technique spécialisé de l’Union ne ménage  aucun effort pour la mise en œuvre de la Banque centrale africaine, du fond monétaire africain, la banque d’investissement africaine et la bourse de valeurs mobilières africaine.

Changer la donne

La nécessité de  la mise en œuvre des instruments de financements propres à l’Afrique l’éloignerait des mécanismes économiques et financiers hérités de la colonisation. L’Afrique doit transformer son économie en plateforme économique de production et non en plate forme d’économie de consommation  comme c’est le cas depuis bientôt 60 ans

Dans cette perspective, la mise en place des institutions financières de l’Union africaine prévues dans le traité syrte, contribueront au développement d’un système financier africain moderne et solide, facilitera les paiements et les règlements, et réduira ainsi les risques de volatilité du taux de change associés aux échanges commerciaux et aux investissements transfrontaliers. L’idée de la mise en place d’une agence de notation s’avère donc essentielle afin d’évaluer les risques encourus par les entreprises qui opèrent sur le continent.

Reste plus à espérer que la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) soit effective lors du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA qui se tiendra le 6 juillet 2019 à Niamey, au Niger.

Richard KENMOGNE