Alors que la Centrafrique s’apprête à une nouvelle échéance présidentielle dans un climat marqué par la fragilité économique, l’opposition tente de faire entendre sa voix. Parmi ses figures, Martin Ziguélé, ancien Premier ministre (2001-2003) et président du MLPC, se positionne comme l’un des principaux challengers de Faustin-Archange Touadéra. Député et membre de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, il milite depuis plus de deux décennies pour une gouvernance démocratique et une relance durable. Dans un entretien exclusif accordé à l’Agence Ecofin, il expose sa vision et ses ambitions pour la Centrafrique, autour des enjeux politiques, économiques et sécuritaires qui structureront l’avenir du pays.
Agence Ecofin : Vous demandez un dialogue direct avec le président Touadéra. Qu’est-ce que vous attendez concrètement de ce dialogue et quelles garanties seraient nécessaires pour qu’il soit crédible ?
M. Martin Ziguélé : Le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé de donner mandat à la mission multidimensionnelle des Nations Unies pour la stabilisation de la Centrafrique, d’accompagner le gouvernement et le peuple pour les élections prévues à la fin de cette année. Quatre élections groupées : présidentielles, législatives, municipales et régionales. S’agissant des municipales et des régionales, c’est la première fois que nous allons organiser ces élections depuis 1960, c’est-à-dire depuis l’indépendance. Dans la résolution du Conseil de sécurité, il est expressément écrit que ces élections doivent être inclusives et transparentes. Voilà ce que nous demandons.
« Nous sommes un pays de 624 000 km² […] et nous ne sommes que 6 millions d’habitants, soit moins d’un habitant au km². »
C’est-à-dire des élections où on n’exclut pas sous des prétextes fallacieux, des Centrafricaines et des Centrafricains qui aspirent à un rôle de représentation politique. Deuxièmement, nous voulons des élections transparentes, parce que sur le papier, l’Autorité nationale des élections est une institution indépendante, l’arbitre électoral. Aujourd’hui, elle a mis onze mois pour produire des listes électorales et a englouti six milliards de francs. Ces listes, qui devaient être définitives en janvier ou février, ne sont disponibles que ce mois d’août, et encore, elles ne sont pas affichées dans les centres d’inscription.
Agence Ecofin : Sur le plan économique, le chantier reste important. Et malgré un taux de croissance positif, les revenus de la Centrafrique restent dépendants à près de 90% des exportations de métaux précieux et du bois. Comment diversifier l’économie pour sortir de cette dépendance aux matières premières ?
M. Martin Ziguélé : C’est par l’agriculture et par l’agriculture seule que ce pays s’en sortira. Je le dis parce que nous l’avons déjà fait. Sous Bokassa, nous sommes allés jusqu’à 60 000 tonnes de coton, à une époque où beaucoup de pays africains n’arrivaient même pas à 50 000 tonnes. Et tout cela s’est effondré. La politique économique chez nous, surtout en matière de relance des activités, doit s’appuyer sur l’agriculture, aussi bien d’exportation que vivrière.
« Sous Bokassa, nous sommes allés jusqu’à 60 000 tonnes de coton, à une époque où beaucoup de pays africains n’arrivaient même pas à 50 000 tonnes. Et tout cela s’est effondré. »
Nous sommes un pays de 624 000 km², à peu près 12 fois (sic) le Bénin, 3 fois le Burkina, et nous ne sommes que 6 millions d’habitants, soit moins d’un habitant au km². Nous avons 15 millions d’hectares de terres cultivables et chaque année on n’en met en valeur que 0,25%, même pas 1%. Le potentiel agricole est énorme. Le marché existe, car les pays qui nous entourent – Soudan, Tchad, un peu plus loin Égypte, Libye, Algérie, Niger – sont déficitaires en production alimentaire.
« Nous avons 15 millions d’hectares de terres cultivables et chaque année on n’en met en valeur que 0,25%, même pas 1%. Le potentiel agricole est énorme et marché existe »
Si nous revenons au développement de l’agriculture, vivrière et d’exportation, il y a de quoi booster durablement l’économie, avec un effet d’entraînement sur les transports, le transit, et une amélioration du niveau de vie. Les populations rurales et périurbaines auraient des revenus monétaires permanents, consommeraient, et cela relancerait l’activité économique. Cela renforcerait aussi le budget de l’État et permettrait de mener des politiques sociales pour inverser la pauvreté.
Les grands économistes du développement disent que dans un pays où plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté, comme en RCA, il faut investir de manière régulière. Il faut que le taux d’investissement soit d’environ 25% du PIB pendant 20 à 25 ans pour inverser la tendance.
Dans un pays comme la RCA où le PIB est de 3 milliards de dollars, soit environ 1 500 milliards de francs CFA, 25% représentent 450 milliards de francs CFA à investir chaque année pendant 25 ans. Mais le budget de la RCA est de 300 milliards de francs CFA. Et lorsque vous regardez la part réservée à l’investissement, cela se passe de tout commentaire. Nous sommes loin du compte, loin d’une véritable politique économique de réduction de la pauvreté et de relance de l’espérance de bien vivre dans ce pays.
Agence Ecofin : Selon la Banque mondiale, plus de 70% de la population active vit de l’agriculture de subsistance et ce secteur pèse pour environ 55% du PIB. Quelle stratégie proposez-vous pour moderniser ce secteur et atteindre l’autosuffisance alimentaire en République centrafricaine ?
M. Martin Ziguélé : Il ne s’agira pas de réinventer une agriculture. Il s’agit de refaire, de reprendre ce qui a été fait et qui a été cassé et qui n’a pas été reconstruit par manque de volonté politique. Je peux prendre un secteur comme le coton. Le coton fait vivre à peu près 2 millions de personnes sur les 6 millions de Centrafricains. Il suffit de relancer les cultures cotonnières, relancer les activités d’encadrement agricole, retrouver les semences, les pesticides, les intrants. Relancer la politique comme on l’a fait au Bénin, au Mali, au Togo.
Le café centrafricain est de très grande qualité, comparable à celui d’Éthiopie, d’Ouganda ou du Kenya. À un moment donné, c’est les recettes tirées du café qui ont permis le couronnement de Bokassa en 1976. Aujourd’hui, le café s’est complètement effondré. Il n’y a même plus d’organisme d’achat entre les mains des paysans, et les rares qui le produisent le revendent par troc à des marchands venus de l’étranger, notamment du Soudan. Donc il s’agit de reconstruire l’agriculture centrafricaine, comme cela existait il y a trente ou quarante ans et qui a été abandonné par manque de volonté politique.
C’est vrai, la République centrafricaine produit du diamant, de l’or, etc. Mais le diamant centrafricain est alluvionnaire, trouvé dans les rivières. Ce n’est pas comme au Botswana ou en Afrique du Sud où il est souterrain et contrôlable. Ici, n’importe qui peut le prendre et traverser les frontières. La fraude est endémique dans le secteur, de même que pour l’or. Il y a des concessions minières en dehors de tout appui sécuritaire, qui échappent aux statistiques. Je me demande même s’il y a des retombées pour le trésor public.
« Le diamant centrafricain est alluvionnaire, trouvé dans les rivières. Ce n’est pas comme au Botswana ou en Afrique du Sud où il est souterrain et contrôlable. Ici, n’importe qui peut le prendre et traverser les frontières. La fraude est endémique. »
Je suis député à la Commission Finances à l’Assemblée nationale et je vous dis cela parce que, dans le tableau de recettes annexé au budget, quand vous voyez les revenus du secteur minier, le coût de gestion du secteur – les fonctionnaires payés dans les départements miniers et énergétiques – est plus élevé que ce que ce secteur rapporte en redevances et taxes. Pourtant, le potentiel minier est énorme. Donc, le problème est une question de volonté politique, de lutte contre la corruption et d’application effective de la réglementation. Et ce n’est pas le cas.
Agence Ecofin : Selon la Banque mondiale, moins de 17% de la population a accès à l’électricité. Dans ce secteur particulièrement, avez-vous une stratégie réaliste pour améliorer cette couverture ou au moins attirer des investisseurs malgré le déficit d’infrastructure qui le caractérise actuellement ?
M. Martin Ziguélé : Je pense que les statistiques de 17% d’accès à l’électricité, si elles concernent le pays, je les conteste. À part Bangui, je ne vois pas une ville avec accès à l’électricité 24 heures sur 24, ça n’existe pas. En réalité, nous tournons autour de 5%, en tout cas moins de 10% d’accès à l’électricité et également à l’eau.
La RCA est un château d’eau, aussi bien pour le bassin du Chari que pour celui du Congo. Le plus grand affluent du fleuve Congo, l’Ubangi, prend sa source en RCA et traverse la frontière avec la RDC. Nous pouvons développer l’énergie hydroélectrique. Il suffit de construire des barrages avec des turbines. Nous avons beaucoup de chutes d’eau propices à cela.
Mais il faut une politique qui permette aux grands investisseurs d’investir dans la production et le transport de l’électricité. Les investisseurs seront d’autant plus enclins à le faire qu’ils verront que le pays se développe, que des entités économiques ont besoin d’électricité et que leur production trouvera des acheteurs.
L’impératif, au centre de toute politique économique, c’est la création d’un environnement favorable à l’investissement : mettre en place des réglementations gagnant-gagnant, faciliter les affaires, fournir les facteurs de production comme l’eau et l’électricité, lutter contre la corruption. Ce sont ces ingrédients qui permettent d’apprécier le climat des affaires en Centrafrique et de le comparer à celui du Cameroun, du Bénin ou du Sénégal. Les grands investisseurs se renseignent, disposent de toutes sortes d’informations et choisissent en fonction.
Nous avons donc ce travail à faire en interne pour attirer des investissements dans l’énergie : développer l’hydroélectrique, rechercher des couloirs de vent pour l’éolien, développer d’autres sources d’énergie verte afin de produire non seulement pour la consommation intérieure, mais aussi pour exporter vers des pays voisins déficitaires. Voilà la chaîne de valeur que nous pouvons développer dans le secteur de l’énergie.
Agence Ecofin : Le budget de l’État centrafricain dépend aujourd’hui à environ 50% de l’aide extérieure. Comment est-ce qu’il faudrait élargir la base fiscale du pays et renforcer les ressources internes sans pénaliser l’activité économique ?
M. Martin Ziguélé : Le problème de la modestie du budget s’explique par la faiblesse de l’activité économique. Le montant du budget d’un État provient de l’activité via la TVA, les taxes. S’il n’y a pas d’activité, comment avoir un budget ? Le budget est la conséquence de la politique économique d’un pays, pas l’inverse.
On ne peut pas se développer par hasard. Il faut la volonté politique d’améliorer le climat des affaires, de mettre en valeur nos opportunités agricoles, de compléter cela par un assainissement du secteur minier, or et diamant, et de développer l’agroforesterie.
Cela doit générer de la croissance du PIB et être accompagné par une meilleure digitalisation dans la perception des impôts et taxes dus à l’État. Si l’activité économique interne monte en puissance, la conséquence immédiate sera l’accroissement des ressources budgétaires.
Tant que l’État n’a pas de ressources importantes, il sollicite l’aide extérieure et s’endette à court terme sur le marché bancaire. Cet endettement est un poison mortel pour les finances d’un pays, car il est onéreux. Si l’État prend soixante milliards chaque mois pour ses activités et qu’il ne reste que quarante milliards pour financer l’économie, c’est un serpent qui se mord la queue. On n’en sort pas.
Il faut casser ce recours au financement bancaire à court terme, et cela passe par l’accroissement de la production de biens et services. Cet accroissement dépend directement de l’engagement de l’État pour améliorer le climat des affaires.
Agence Ecofin : Le gouvernement Touadéra a tenté depuis 2022 de faire de la RCA un laboratoire des crypto-monnaies avec le projet Sango Coin et l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale. Que pensez-vous de cette orientation et quelle est selon vous la bonne voie pour l’innovation financière dans un pays comme la République centrafricaine ?
M. Martin Ziguélé : Quand le projet de loi sur l’introduction de la crypto-monnaie a été présenté, avec quelques collègues députés de l’opposition, nous l’avons combattu. Nos observations n’ont pas été prises en compte dans le rapport présenté en plénière, et nous avons fait écrire publiquement un document de protestation pour expliquer les dangers de cette affaire.
Pourquoi danger ? Parce que c’est de l’illusion. Vous avez une économie qui souffre parce qu’il n’y a pas de production, et vous insistez sur une soi-disant modernisation des moyens de paiement. C’est kafkaïen, une démarche qui ne s’explique pas rationnellement.
« Je pense que les initiateurs ont été abusés par des vendeurs d’illusion. Entre-temps, des Centrafricains ont acheté du Sango Coin, des entreprises sont venues, et personne ne les a remboursés. »
La loi a d’ailleurs été rapportée et modifiée, on a retiré sa substance. Au départ, les prétentions étaient que la crypto-monnaie, le Sango Coin, devait être la monnaie de la RCA à la place ou parallèlement au franc CFA. Je ne sais pas comment on peut avoir deux unités monétaires dans une même zone alors que nous sommes membres de la BEAC et que nous avons des engagements dans l’Union monétaire d’Afrique centrale.
Je pense que les initiateurs ont été abusés par des vendeurs d’illusion. Entre-temps, des Centrafricains ont acheté du Sango Coin, des entreprises sont venues, et personne ne les a remboursés. Donc ça aussi c’est un problème.
Agence Ecofin : Sur le volet sécuritaire, plus de la moitié du territoire centrafricain reste aujourd’hui affecté par l’activité de groupes armés, ce qui limite le contrôle effectif de l’État. Quelles solutions pensez-vous appliquer pour restaurer la sécurité tout en relançant l’activité économique dans les zones impactées ?
M. Martin Ziguélé : La sécurité est la condition même du développement économique. Le paysan qui est à Bozum, Ndele ou Bambari doit pouvoir aller au champ en toute sécurité, produire les biens vivriers que nous consommons, pratiquer la pêche, la chasse. La sécurité est un bien national.
La situation sécuritaire en Centrafrique s’est améliorée. On peut circuler aujourd’hui sur la plus grande partie du pays, même s’il demeure des risques de conflits sérieux avec les groupes armés ou des bandits, car les armes circulent encore. Mais globalement, la situation est meilleure.
« La situation sécuritaire en Centrafrique s’est améliorée. On peut circuler aujourd’hui sur la plus grande partie du pays, même s’il demeure des risques de conflits sérieux avec les groupes armés ou des bandits, car les armes circulent encore. »
Ce qu’il faut, c’est renforcer l’armée nationale, les FACA, et passer à une véritable armée de garnison. Quand j’étais président de la commission finances, nous avons voté une loi de programmation militaire. On ne sait pas où elle en est, et lorsqu’on demande le bilan, on reçoit des propos discourtois. Encore une fois, il y a un problème de volonté politique.
Lors de la première législature en 2016, le groupe parlementaire de mon parti a voté les accords de défense avec la Russie, l’Angola et le Rwanda, parce que c’était un impératif que notre pays soit sécurisé et que la coopération se renforce avec des pays ayant plus de moyens et d’expérience militaire. Mais avec la Russie, au lieu de conseillers militaires réguliers, ce sont des mercenaires du groupe Wagner qui ont été envoyés. C’est pourquoi je condamne leur présence. Je suis contre les mercenaires Wagner en Centrafrique, mais pas contre la coopération militaire avec la Fédération de Russie. Nous avons des rapports politiques, diplomatiques, sécuritaires et éducatifs avec la Russie depuis 1960.
« Je suis contre les mercenaires Wagner en Centrafrique, mais pas contre la coopération militaire avec la Fédération de Russie. Nous avons des rapports politiques, diplomatiques, sécuritaires et éducatifs avec la Russie depuis 1960. »
Quand j’étais jeune, Bokassa avait envoyé en Russie le plus grand contingent d’étudiants centrafricains, devenus ingénieurs, médecins, techniciens. C’est ce que nous voulons : une coopération d’État à État. Parce que le mercenariat est condamné par nos lois nationales et par la Convention d’Ottawa, signée et ratifiée par notre Assemblée nationale. Il s’agit simplement de respecter notre parole.
Agence Ecofin : Aujourd’hui, la RCA est membre de la CEMAC et de la CEEAC. Quelle place la Centrafrique doit-elle occuper au sein de ces deux organismes pour soutenir sa relance économique et impulser l’intégration régionale ?
M. Martin Ziguélé : Je vous remercie de m’avoir posé cette question. Moi, je suis un grand messager de l’intégration sous-régionale et de l’intégration régionale. J’ai applaudi le fait que 48 États en Afrique aient ratifié le traité sur la ZLECAf, la zone économique continentale africaine. Parce que pour arriver à l’agenda 2063, l’Afrique que nous voulons, il faut que l’intégration se renforce, sur le plan continental comme sur le plan sous-régional.
C’est pour ça que je salue les efforts en cours pour le passage de la CEEAC et de la CEMAC en une seule zone économique intégrée en Afrique centrale. L’Afrique centrale est une terre d’opportunités : ressources agricoles et forestières, deuxième poumon forestier du monde avec le bassin du Congo, potentiel énergétique avec le barrage d’Inga en RDC, et richesses minières, pétrolières, diamantifères et aurifères en Angola, Centrafrique, Cameroun, Tchad, etc. Il n’y a que des opportunités à développer dans une démarche d’intégration réelle des économies.
« Je salue les efforts en cours pour le passage de la CEEAC et de la CEMAC en une seule zone économique intégrée en Afrique centrale. L’Afrique centrale est une terre d’opportunités. »
Si nous n’arrivons pas à faire l’intégration politique comme le voulaient nos prédécesseurs – Kwame Nkrumah, Mohamed Senghor, Sékou Touré, Barthélemy Boganda, Gamal Abdel Nasser, Mohamed Kadhafi –, faisons au moins l’intégration économique en renforçant les communautés régionales. C’est pour ça que je défends l’idée du renforcement de la communauté économique d’Afrique centrale par une fusion CEEAC-CEMAC.
J’ai toujours l’habitude de prendre l’exemple des États-Unis : un État fédéral composé de 50 États. L’Afrique, c’est 54 pays, 54 gouvernements, 54 politiques économiques, 54 ministres des Finances, 54 ministres de la Défense. Résultat : les États-Unis, première puissance mondiale, viennent acheter leurs ressources minières en Afrique. Pendant ce temps, en Afrique, plus d’un milliard d’habitants attendent que le gouvernement américain décide de financer l’USAID pour vacciner nos enfants ou développer des programmes scolaires. Pour notre survie, nous n’avons que l’unité, et nous devons la faire.
Agence Ecofin : Si vous deviez décrire la Centrafrique de 2030 sous votre gouvernance, à quoi ressemblerait-elle économiquement et socialement ?
M. Martin Ziguélé : Sur le plan politique, c’est un pays qui doit être uni, parce que l’unité est le premier mot de notre devise. Cette devise, choisie par le président Barthélemy Boganda, est : Unité, Dignité, Travail.
Être uni, c’est aller à l’essentiel et travailler sur nos capacités à développer les richesses et le potentiel que Dieu a mis à notre disposition. L’unité n’est pas exclusive : nous appartenons à une sous-région, nous avons six pays voisins et nous ne pouvons pas nous développer seuls. La raison nous engage à développer des synergies avec nos États voisins pour une politique d’intégration.
La dignité, c’est de dire que chacun d’entre nous veut la paix et le pain. L’objectif de toute démarche, de toute vision, de toute politique économique et sociale, c’est de faire en sorte que l’homme centrafricain ait la paix, le pain, la santé et l’éducation de ses enfants assurés. C’est restituer à l’homme centrafricain sa dignité.
Tout cela ne peut s’obtenir que par le travail. Il n’y a pas de développement spontané. Le développement est le fruit d’une organisation structurée et d’une volonté politique. Il faut avoir la détermination et l’abnégation nécessaires pour ignorer les chants de sirène et se concentrer sur les indicateurs. C’est ce combat-là qui doit être celui de tous les Centrafricains, parce qu’il n’y a de richesse que d’hommes.
Agence Ecofin : Votre parti, le MLPC, traverse quelques turbulences avec des accusations de tentatives de liquidation. Comment comptez-vous restaurer l’unité et la légitimité de votre formation politique ?
M. Martin Ziguélé : C’est le président Touadéra lui-même qui a décidé de tenter de créer des divisions dans le parti, qui finance les dissidents et leur donne de la voix. Mais vous savez qu’un parti, c’est une association, et les membres savent comment on élit leur dirigeant.
Pour mettre fin à cette tentative de division du MLPC, nous avons convoqué un congrès les 9 et 10 septembre 2025, pour réaffirmer la légitimité de la direction du parti, élire de nouveaux camarades et permettre au parti de poursuivre son activité d’animation de la vie politique, économique et sociale du pays. Quelqu’un qui ne respecte pas le fonctionnement interne d’une association à laquelle il n’appartient pas, simplement parce qu’il a le pouvoir et les moyens de l’État, c’est un indicateur de l’éthique politique que nous avons à la tête du pays aujourd’hui.
Entretien réalisé par Moutiou Adjibi Nourou