Les 4 et 5 juillet 2025, les jeunes de la commune du 9ème arrondissement de la ville de N’Djamena ont planché sur la cohésion sociale sous la conduite de l’association Vision Conscience Africaine, partenaire de EISA, avec l’appui financier de l’Union Européenne.
La cohésion sociale, une problématique que les Tchadiens doivent impérativement intégrer dans leurs mœurs, habitudes et comportements ; dans l’optique de construire une nation prospère et durable. En effet, le Tchad a été sérieusement secoué ces dernières semaines par des conflits communautaires qui ont causé malheureusement de nombreuses victimes qui auraient pu être évitées si un esprit de bon sens animait les auteurs de ces tueries. A la suite de ces tristes événements qui ont endeuillé le pays, l’association Vision Conscience Africaine (VICA) a saisi opportunément la perche pour réunir les jeunes du 9ème arrondissement de la ville de N’Djamena afin de comprendre, discuter et échanger sur le concept de cohésion sociale, également de planifier et davantage projeter comment intégrer ledit concept dans la vie quotidienne, de manière pérenne.
Conscientiser les jeunes sur leurs rôles dans la consolidation de la paix
Grosso modo, le projet « vise à conscientiser les jeunes sur leurs rôles dans la consolidation de la paix en leur offrant un cadre de réflexion et d’expression pour un apport significatif dans la gestion des affaires publique d’une part, et pour promouvoir la bonne pratique en matière de gestion des conflits communautaires d’autre part », a souligné Dominique Fri le président de VICA.
Pendant deux jours, le focus groupe – groupe de travail participatif et inclusif pour un intérêt commun – mis en place pour la circonstance a réuni dans un premier temps une quarantaine de filles-mères au cours de la journée du 4 juillet. Elles ont travaillé autour du thème « Les filles-mères au cœur de la communauté : contributions pour la consolidation de la cohésion sociale dans le 9ème arrondissement ». Ces jeunes femmes qui ont connu la responsabilité parentale alors qu’elles avaient à peine grandi, sont très souvent stigmatisées et rejetées par la société.
Elles subissent ainsi une double peine qui est parfois un véritable frein dans leur ascension sociale, ce qui ne les aide pas à envisager sereinement l’avenir. Et pourtant, elles ont d’énormes ressources et potentialités qui ne demandent qu’à être exploitées afin d’être mises en valeur au bénéfice de leurs communautés. Patricia Loubanaïssem, participante à ce projet, booste le moral des filles-mères et les incite à se battre afin de sortir de la spirale négative : « En tant que fille-mère, je ne baisse pas les bras.
Je me bats pour payer ma formation de sage-femme dans un institut où je suis en 2ème année. Certaines filles-mères pensent à se prostituer, je les encourage à ne pas se livrer à cette activité dégradante pour la femme. Qu’elles aient toujours à l’esprit qu’être fille-mère n’est pas une fatalité. Les cris de nos enfants doivent nous rappeler notre responsabilité et nous interpeler sur notre devoir en tant que parents ».
La sensibilisation des filles-mères à apporter leurs contributions au développement de leurs communautés a pris fin par des séances de coaching où plusieurs acteurs de la société civile sont venus raconter leurs différentes expériences des difficultés de la vie, comment elles ont fait pour s’en sortir afin d’avancer ; question de motiver leurs jeunes sœurs à être positives et à croire que demain sera toujours meilleur qu’aujourd’hui.
Le 5 juillet pour le second jour de cette activité, les acteurs ont changé ; les jeunes femmes ont cédé place aux jeunes hommes conducteurs de mototaxis et appelés localement « clandoman ». Ils ont débattu sur le thème « Dialogue avec les mototaxis pour la consolidation de la cohésion sociale dans le 9ème arrondissement ».
Il s’agissait pour eux de parler de leurs problèmes, d’exprimer leurs ressentis et de trouver des solutions adéquates. Dans son discours d’ouverture des travaux, le Dr Kadi Pierre Sossou, le directeur de EISA Tchad, a situé avec lucidité et objectivité le rôle essentiel que jouent les « clandoman » dans la société tchadienne : « Vous jouez un rôle de veille sociale informelle. Vous entendez ce que beaucoup ignorent, ressentez les tensions avant qu’elles n’éclatent, et parfois vous devenez les passeurs de messages entre les communautés, à la manière de relais humains ». C’est donc dire que le choix porté sur ces jeunes hommes n’a pas été fortuit et qu’ils sont les éléments indispensables pour l’implémentation de la cohésion sociale.
1776 conducteurs de mototaxis dans le 9ème arrondissement
Selon la même méthode de travail instaurée la veille avec les filles-mères, les « clandoman », se sont mis en petits groupes. Finalement, ils ont émis quelques vœux, assez similaires à ceux de leurs sœurs : sensibilisation à la conscientisation d’une culture de la paix, de la douceur, synonyme de la cohésion sociale, du vivre- ensemble durablement ; sensibilisation de la population à l’éducation et au respect de la citoyenneté ; travailler avec sérieux pour la réussite des projets communautaires disponibles pour le développement de la commune.
Le président des « clandoman » du 9ème arrondissement et vice-président national, Kouzoumbi Mbertetna, s’est réjoui de l’initiative d’une telle rencontre, tout en exprimant sa disponibilité à œuvrer activement pour la cohésion sociale : « Je dis bravo aux organisateurs de cette activité. Nous recensons 1776 conducteurs de mototaxis et notre souhait est qu’ils soient tous sensibilisés et qu’ils s’impliquent dans la cohésion sociale. Nous souhaitons également avoir de bonnes conditions de travail et un encadrement de nos jeunes collègues dont certains sont des diplômés en chômage ».
VICA mène ses activités à N’Djamena, dans le Batha-Est et à Ouaddaï ; elles sont concentrées autour de la promotion de l’auto-emploi des jeunes ; de l’éducation à la citoyenneté et de la mobilisation communautaire pour la promotion de la santé.
Serge HENGOUP